Réussir sa fiche d’arrêt

La fiche d’arrêt. Mais si, vous savez ? Quand Jean-Doctorant vous dit à la fin de la séance de TD : pour la semaine prochaine vous me ferez les 3 cas pratiques et les fiches d’arrêt de toute la plaquette ! Je relèverai certaines de vos copies et vous interrogerai chacun sur un des arrêts. Et quand ça tombe sur vous, si vous avez fait l’arrêt, il ne va pas vous féliciter (bien que les 4 étudiants interrogés avant vous ont menti de façon éhontée, prétextant leur compagnon canin qui a confondu la plaquette de TD avec un Dentastix).

Non, au lieu de vous décerner les lauriers que vous méritez amplement, ce petit bâtard il va même continuer la torture. Vous venez de présenter votre fiche d’arrêt, et il vous pose une question. La question. Vous avez un plan à proposer ? A ce stade, certains se mettent à bégayer, d’autres à transpirer, et Jean-Major – qui n’a pas été interrogé – s’agite sur sa chaise essayant en vain d’attirer l’attention de son idole, votre bourreau.

Juste avant de tomber dans les pommes, vous avez un flashback. Lorsque vous aviez 6 ans, vous étiez au tableau, la maîtresse vous demandant de résoudre des additions difficiles. Du style 19+3 ou 5+7. Et à ce moment tous les enfants de la classe vous pointaient du doigt en se moquant, parce que vous aviez oublié de mettre des vêtements ce matin là, et que personne n’avait pensé à vous le dire.

Ce petit garçon est encore en vous. Il souffre toujours autant de la peur des autres, de la peur de l’oral. Un freudien -notez la minuscule au mot freudien- vous dirait sans doute que votre traumatisme vient du désir sexuel inassouvi avec votre père/mère/frère/sœur (Rayez la mention inutile).
Bref. Vous tombez dans les pommes. Alors qu’il est si facile de faire une bonne fiche d’arrêt ! Sans plus attendre, commençons !

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Cas classique d’un étudiant interrogé.

L’introduction de votre commentaire d’arrêt

Ce qui va sans dire, va quand même mieux en le disant. Pour les L1 et les Jean-Segpa qui me lisent, il est de bon ton de rappeler que la fiche d’arrêt constitue votre introduction du commentaire.

Donc c’est assez important, d’autant qu’avec les titres, c’est ce qui va déterminer votre note.

En terme de volume, la fiche d’arrêt doit représenter l’équivalent d’une petite sous-partie. Pas besoin d’en faire des caisses, mais ne soyez pas trop avare non plus… Sur certaines copies d’examen, cela représente le premier recto de la feuille, celui avec les marges de présentation.

Avant la fiche d’arrêt

Avant de se lancer dans la rédaction de la fiche d’arrêt, prenez le temps de lire l’arrêt en entier. Au début c’est un exercice difficile : l’arrêt est rédigé en une seule phrase, avec un style très compliqué, des mots datant d’une autre époque… Bref, tout ce que vous ne devez pas faire dans vos copies. Quand vous serez magistrat, vous vous rattraperez, ne vous en faites pas !

L’idée est la suivante : ne foncez pas tête baissée dans l’arrêt. Prenez le temps de le lire une ou deux fois afin de dégrossir l’arrêt, et d’avoir une première idée de ce qui est dit.
Profitez-en pour voir s’il s’agit d’un arrêt de cassation (l’arrêt de la cour d’appel est cassé) ou de rejet (le pourvoi en cassation est rejeté car l’arrêt de la cour d’appel est conforme au droit).

Passons à la fiche d’arrêt à proprement parler.

Celle-ci est composée de 5 étapes (+1) qui sont :

La phrase d’accroche

Les faits

La procédure devant les juridictions

Les moyens des parties

La problématique

La solution de la cour de cassation

Précisons le maintenant : Chacune des étapes mérite son paragraphe sur votre copie. La fiche d’arrêt ne doit pas être faite en un seul gros pavé.

La phrase d’accroche

Si vous êtes couillu, ou avez une grande connaissance des citations juridiques, n’hésitez pas à en mettre une en accroche du sujet. Mais attention ! La citation doit correspondre au sujet traité.

C’est un exercice périlleux et peu rentable au final. Car si vous trouvez LA bonne punchline, le correcteur se dira « ok, là c’est pas mal » et vous le mettrez dans de bonnes dispositions pour la correction de votre copie.

A l’inverse, avec une mauvaise phrase d’accroche, il risque de se dire « il n’a rien compris au sujet ». Et là les copains, ça commence à sentir mauvais pour vous…

Le plus simple pour la phrase d’accroche est de présenter l’arrêt : Date, juridiction, chambre, et thème abordé (cause réelle et sérieuse du licenciement…)

C’est très académique, mais le droit n’est pas exactement une discipline où l’on vous demande de faire preuve de créativité artistique… Ça se saurait. Et nous verrions plus de Jean-Hippie en sarouel, en train de se rouler un joint devant la fac avec son djembé.

Bref. Ne soyez pas trop extravagant dans votre accroche.

Les faits

Ici, il faut bien faire attention à ne pas confondre les faits et la procédure (la prochaine étape).

Les faits : ensemble des éléments qui ont amené les parties à agir en justice.

M.X vend son Lapierre à Mme.Y. mais celui ci est en très mauvais état à tel point qu’il se casse deux jours après, contrairement à ce qui était indiqué dans l’annonce. Elle agit en justice pour invoquer le dol du contrat. 

Les faits, dans cet exemple, sont la vente du vélo en mauvais état et le fait qu’il se soit cassé. Le reste c’est de la procédure.

Termes juridiques

Dans les faits, et comme pour le cas pratique, il est important de qualifier juridiquement. Plutôt que parler de M.X et de Mme.Y, qualifiez-les juridiquement.
Au début parlez de co-contractants, et passez rapidement à requérant, de demandeur et défendeur. Des expressions comme « l’auteur du pourvoi » sont beaucoup plus pertinentes que « la personne qui forme le pourvoi ». Ce sont des parties au procès.

Il faut qualifier les faits pour deux raisons :

  • la fiche d’arrêt porte sur un arrêt du CE ou de la Cass, le plus souvent. Il s’agit du juge du droit. Autant être juridique dès le départ, puisque ce n’est pas tant la solution du fond qui intéresse votre correcteur, mais bien votre raisonnement juridique. Raisonnez comme les juristes que vous êtes.
  • Montrez à votre correcteur que vous avez bien compris l’arrêt, et que vous maîtrisez le langage juridique sur le bout des doigts. Même si ce n’est pas forcément le cas ! Distinguer le demandeur du défendeur devant la cour de cassation n’est pas difficile. En lisant bien l’arrêt, vous le déterminerez rapidement.
Chronologie

Vous avez tout le bagage pour faire un bon résumé des faits mais vous ne savez pas comment les résumer. C’est très simple. Achetez vous un cerveau.

Les faits peuvent apparaître de façon assez chaotique dans l’arrêt, bien qu’ils soient présentés dans les premiers paragraphes de la décision. Il faut les résumer de façon chronologique. Pour vous aider, vous pouvez tracer une ligne de temps sur votre brouillon et noter les faits en les remettant dans l’ordre.

Pour reprendre l’exemple du vélo, la première étape des faits est la vente. La seconde étape est le vélo cassé.

En adaptant l’approche chronologique des faits, vous êtes sûr de ne rien rater dans ce qui s’est passé. 

Trier les informations pertinentes

Dans l’arrêt il y a très peu d’informations impertinentes. Vous gagnez donc du temps sur ça, contrairement au cas pratique.
Il est de bon ton de citer les dates si vous les connaissez – pour les faits et la procédure -.

La procédure

Cette partie, lorsqu’elle est maîtrisée ne doit pas vous prendre beaucoup de temps.

Il est assez rare que vous ayez connaissance de la décision rendue par le juge du premier degré. Le plus souvent vous savez ce qu’a décidé le juge d’appel.  Commencez par là.

Ici encore, balancez tout ce que vous avez : date du jugement, de saisine de la juridiction, type de juridiction, ville, mensurations de la greffière… Il faut être le plus complet possible.

Sauf pour la cour de cassation et le CE. Pas besoin de dire que c’est à Paris. Car il n’y a ni Cass ni CE en province. Il est inutile de passer pour des débiles lors des examens. Croyez moi.

La solution donnée par la cour d’appel doit être mentionnée. Si l’arrêt l’explicite, tant mieux pour vous. Sinon, il faut le deviner, mais rassurez vous, ce n’est pas très dur.

En effet, en ayant connaissance des moyens des parties (leurs arguments) de la solution de la cour de cassation, vous savez qui a formé le pourvoi en cassation, et donc qui n’est pas satisfait de la décision de la cour d’appel. Donc qui a gagné et perdu devant celle-ci.

A la fin de la partie sur la procédure, contentez-vous de signaler qu’un pourvoi a été formé devant la Cour de Cassation (avec majuscules). Donnez la date et la chambre qui traite de l’affaire. Dans le paragraphe suivant vous parlerez des arguments des parties.

Un peu de détente, ça vous dit ?

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Santé.

Les moyens des parties

Une des parties n’est pas contente parce que les juges d’appel sont de vrais cons qui n’ont rien compris à son histoire. En plus de ça y savent même po appliquer l’droit ! Bouhouhou !!

Minable.

Il n’empêche que la partie a le droit (sous certaines conditions) de se pourvoir en cassation, et que l’adversaire doit bien répondre s’il ne veut pas tester la franche camaraderie qui lie les prisonniers lors des séances de douches collectives. Il paraît que ça vous change un homme.

Bref ! Devant la Cour de Cassation, les parties arrivent avec des arguments juridiques, qui vont aider la cour à trancher la question. Une partie soutient que blablabla, alors que l’autre dit bliblibli, ce qui est totalement différent, convenez-en.

Ces arguments, il vous faut les extraire de l’arrêt, et les retranscrire dans votre fiche d’arrêt. De façon résumée, mais méfiez vous lors de vos premières fiches d’arrêt. Il vaut mieux que ce soit un peu long et que vous ne ratiez pas un argument, plutôt que trop court en passant à coté de l’objet du débat. Par la suite, vous prendrez confiance en vous, et vous serez capable de résumer correctement les arguments.
Ici encore, faites le de façon juridique.

La problématique

Pour la problématique, le plus simple c’est d’aller lire l’article tout spécialement rédigé sur le sujet en cliquant ici.

Et moi ça m’évite de me répéter. C’est que ça représente du boulot, cette histoire ! Ah mais !

La solution de la cour

Bon là, c’est pas compliqué. Soit la cour fait droit à la demande, soit elle n’y fait pas droit.

Dans le premier cas, l’arrêt de cour d’appel est cassé, et le plus souvent les parties sont renvoyées devant une autre juridiction d’appel, pour que l’affaire soit à nouveau jugée. Parfois (le plus souvent lorsque c’est l’assemblée plénière qui juge), l’arrêt d’appel est cassé et la cour de cassation juge le droit ET le fond.

Dans le second cas, c’est encore plus simple. La cour de cassation juge que le droit a bien été interprété et elle rejette le pourvoi en cassation. Une PLS juridique en somme.

RECOPIEZ L’ATTENDU DE LA COUR DE CASSATION, c’est à dire la solution. Surtout en première année. Par la suite, vous pouvez vous permettre de tenter des résumés d’attendus, si vos profs vous le permettent.

Et précisez bien si la cour rejette ou casse.

L’annonce de plan

Pour l’annonce de plan, il faut éviter les basiques : Dans une première partie sera abordé… (I) pour voir dans une seconde partie…(II).

C’est nul, zéro, caca.

Pour une annonce de plan qui pète sa maman, il faut faire une phrase avec les deux idées principales. Quelques exemples d’annonce :

Alors que …. (I) Le machin du truc est toujours d’actualité (II)

Si… (I) donc… (II)

Dans la mesure où (I) alors (II)

Et après c’est parti.

Encore quelques conseils

Expressions de substitution ou de ponctuation

En début de phrase pour parler des faits ou de la situation : En l’espèce. 

En fin de phrase, à la fin d’un paragraphe : in fine

Pour la cour de cassation : les juges du droit, la Haute Juridiction, la Juridiction Suprême, les juges du Quai de l’Horloge (adresse de la Cass).

Pour la cour d’appel : il s’agit de la juridiction de second degré. Ne parlez pas de deuxième degré (ça sous entend qu’il y en a un troisième, alors que la Cass et le CE sont des juridictions d’exception).

Et bien voilà, vous savez à peu près tout ce qu’il faut sur la fiche d’arrêt qui est le point de départ de votre commentaire d’arrêt.

Je n’insisterai jamais assez sur le fait qu’il faut en faire souvent, pour maîtriser cet exercice capital, et lire rapidement un arrêt, ce qui est la base du métier de juriste.

En attendant, restez motivés, les partiels approchent à grands pas, donc le repos du guerrier aussi !!

Posez-moi vos questions dans les commentaires, et n’hésitez pas à partager l’article !

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Allez, la bise !

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Pfrrt ! Ils stressent pour leurs partiels ?!

 

9 réflexions sur “Réussir sa fiche d’arrêt

  1. Pingback: Le Syndrome Post-Rentrée | Survivre au droit

  2. Salut,

    Tout d’abord j’adore votre blog et plus généralement votre manière d’aborder avec humour et sagesse le Droit ,merci beaucoup d’aider les Jean-Kevin de première année comme moi 😀
    Ensuite, cet article m’a beaucoup aidé à comprende ce qu’est une fiche d’arrêt car ma charger de TD avait, je trouve, très mal expliqué ce que c’était ; aussi, comme d’habitude je me suis tourné vers votre site et ô miracle il y avait un article dessus alors merci beaucoup !

    J’attends avec impatiente les prochains articles que je trouverai forcément géniaux !

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  5. Vous êtes clairement le professeur rêvé pour les petits L1 comme moi!! Vos articles sont très prenants, on ne se lasse pas une seconde grâce à votre humour. En plus de cela, je pense avoir compris grâce à vous de nombreuses astuces. Je tiens donc à vous remercier.

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